Depuis petite, je suis passionnée par les couleurs et les textures. Aujourd'hui j'ai toujours ce regard d'enfant émerveillé lorsque je fais glisser un raisin de rouge à lèvres sur mon bras, ou presse un fard à paupière saturés en pigments contre le dos de ma main (ah oui ça s'appelle "un Swatch")
Aussi j'ai à coeur de vous raconter plus techniquement ce que la vue, le toucher et l'odorat ont d'essentiels à mon métier et à celui de mes collègues et vous comprendrez facilement ainsi combien il est compliqué de développer notre savoir-faire sensoriel en ces temps épidémiques.
Notre métier est technique parce qu’il exige une importante mémoire sensorielle et nos sens doivent se développer pour que nous puissions donner le meilleur conseil. En d’autres termes, nous sommes un peu des Wikipédia ambulants de la cosmétique.
Capable de se remémorer des dizaines de collections passées alors que des nouveautés sortent toutes les semaines !
Je mettrais ici de côté le sens de l’odorat, car ma mémoire olfactive est très mauvaise, je relie des parfums à des personnes et les émotions qui en découlent, mais apprend les notes des fragrances davantage que je les expérimente. Je suis donc capable de savoir qui porte tel parfum mais souvent bien incapable d’identifier la note de tête de coeur ou de fond à l’improviste.
Dans une boutique comme la nôtre, nous recensons environ une dizaine de milliers de références, et pourtant, même si je ne connais pas tous les produits par coeur, je connais à peu près l’emplacement de chacun d’eux. Pour une personne dont la mémoire à longtemps été conditionnée par l’écrit, cela m’a demandé un temps d’adaptation conséquent de tout mémoriser sans fiche !
Notre métier est technique car il demande un vocabulaire précis. Pour décrire un produit il faut à la fois invoquer l’imaginaire, parler d’émotions, de sensations mais aussi apporter des données factuelles et garantir un certain résultat. Le maquillage et le soin ont exigé de moi d’affiner ma perception de deux sens primordiaux pour ce métier : le toucher et la vue. Je vais donc être amenée à parler en maquillage de couleur (et de « sous-tons » pour le teint : froid, neutre, chaud, pêche, doré, olive, rouge etc), de couvrance (en transparence/ légère, modulable/ moyenne, totale), de texture ( liquide, crème, mousseuse, aérienne, poudre, crème en poudre), de fini (pailleté, métallsé, irisé, satiné, foiled, glowy/ dewy mat, semi-mat, gloss, laqué, poudré, fumé, velours…)
Pour nous, conseillères, notre boutique est un véritable terrain de jeu qui offre des possibilités quasi infinies, si l’on s’en tient à une mise en beauté traditionnelle et non à de l’artistique ou des effets spéciaux. Fascinée par les jeux de textures, de lumières, de fini, j’y vois beaucoup de correspondance avec l’art culinaire, ou de la décoration intérieur : improviser, trouver un équilibre des matières avec des combinaisons étonnantes audacieuses, inattendues, cela a quelque chose de follement excitant !
Le marché cosmétique est si prolifique que le degré de précision de conseil augmente parallèlement aux attentes des clientes ! Nous avons intégré par exemple ces dernières années des nuanciers de fond de teint de plus de 50 teintes, chose qui n’existaient rarement en parfumerie auparavant ! Avant de travailler chez Sephora, je ne mettais jamais la bonne teinte de fond de teint. Or, au fur et à mesure des années je me suis rendue compte à quel point mon appréciation des couleurs avait évolué : tester, comparer, mélanger, sur la main ou sur un visage des centaines de fois m’a permis d’affiner ma vision pour trouver les teintes qui se rapprochent le plus de la carnation de la cliente ou du client en question. Je peux maintenant dire que « j’ai l’oeil », et tombe souvent sur la bonne couleur du premier coup mais peu encore tâtonner parfois !
Le toucher est un guide tout aussi important pour moi. Si vous m’avez déjà vue en boutique vous aurez constaté que ma main gauche est rarement immaculée et me sert quotidiennement de palette ! Le toucher est vraiment le sens de la séduction entre un produit et une peau. Il doit être comme une caresse, évanescent, se faire totalement oublié tout en apportant cette différence nécessaire, en fonction des résultats désirés. S’il est difficile de trouver des produits dont la couleur est similaire, il est plus facile d’observer des textures presque identiques : comparer les gammes de produits entre les marques est un long travail fastidieux !
PS : un grand merci à mes deux mannequins de bras, qui ont gentiment accepté que je les barbouille